“Selon l’esprit Conciliaire, nous devons considérer le ministère paroissial comme l’un de ceux qui servent de cadre aux ministères nommés dans la formule de l’Eglise universelle”. Dixit Boniface Mwawatadi
Pour le père Boniface il ne s’agit pas seulement de dire que la paroisse constitue un contexte favorable pour vivre avec les pauvres ; il serait plus juste de dire que la paroisse constitue aujourd’hui, dans la plupart des assistances qu’on peut donner aux peuples, l’un des contextes les plus favorables pour vivre avec les pauvres.
LE DON QUE NOUS RECEVONS DANS LA PAROISSE
De mon expérience, Il n’est pas surprenant lorsque nous sommes nommés dans une paroisse que nous puissions vivre comme un cadeau le fait que tout en ayant une dimension universelle, la communion ecclésiale trouve son expression la plus immédiate et la plus visible dans la paroisse et que c’est en un certain sens l’Eglise elle –même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles. Ainsi, comme prêtre, nous devons vivre de façon très concrète le « sentir avec l’Eglise » et nous devons l’exprimer avec joie chaque fois que la paroisse se réunira comme communauté pour célébrer ses joies, ses combats et ses espérances dans l’Eucharistie, la Parole et les autres sacrements. Dans une société de plus en plus sécularisée, la proximité paroissiale nous aide à être humbles en portant la Bonne Nouvelle et à dialoguer avec les situations et les attitudes personnelles les plus diverses, en discernant les valeurs positives présentes dans chaque personne et en nous mettant à l’écoute des besoins de notre temps. En particulier de ceux des hommes et des femmes concrets qui se sont éloignés de l’Eglise parce qu’ils ne s’y sentent plus comme chez eux (jeunes, divorcés, personnes dont la foi est fragile, etc).Il est admirable de découvrir de près la responsabilité, la générosité et la participation de tant de personnes à la mission de l’Eglise. Si souvent, nous oublions que c’est par l’Eglise comme institution, insérée dans un lieu concret, la paroisse nous introduit en outre dans un réseau de bon voisinage qui dépasse la communauté des croyants, en favorisant le contact, l’amitié, les rapports avec les projets et les associations civiles de notre entourage.
L’apostolat
Ce n’est que dans la paroisse que je vois venir vers moi les pauvres et les fous. Ainsi, loin d’être une structure privée du curé, la paroisse, dans l’esprit Conciliaire, doit présenter un contexte favorable à la vie avec les pauvres et à la solidarité, en devenant ainsi une plate-forme clé de nos jours, en vue de l’insertion populaire. En générale, nos paroisses, nées du désir de servir l’Eglise dans l’esprit de Vatican II, doivent au-delà de l’aspect bureaucratique, se projeter activement dans le domaine social à travers des programmes ayant une portée locale ou même mondiale(les sans-abris, les déplacés des guerres, l’attention envers les immigrés…).
En fait, dans une communauté ecclésiale vivante de base ( CEVB)de Notre Dame de Fatima à Kinshasa, lors de nos échanges sur « la synodalité et l’Église communion », un paroissien, en regardant le fonctionnement de ma paroisse où j’ai été vicaire, m’a clairement dit : « Révérend père Boniface, notre paroisse, au-delà d’être une structure d’entretien de la foi, doit devenir aussi un réseau d’insertion sociale où les besoins locaux communs doivent se détecter et se traiter plus facilement pour ainsi représenter un lieu privilégié pour la foi qui fait la justice ». A l’entendre, comme prêtre, j’avais vite compris qu’il voulait, comme membre d’une structure de foi, que nos paroisses, « Communautés de solidarité », deviennent et travaillent pour que le milieu dans lequel elles vivent, c’est-à-dire l’intérieur d’elles-mêmes, deviennent peu à peu des espaces de solidarité qui règlent la vie des hommes en fonction de la proximité effective aux personnes victimes d’injustices : paroisses qui prient, célèbrent la foi, enseignent la catéchèse, forment des hommes et des chrétiens, présentes dans le quartier, proclament l’Evangile à partir des pauvres.
Une solidarité qui dépasse l’immédiateté
Dans la vie de tous les jours, sans désapprouver en aucune manière les gestes quotidiens d’amour et de partage, il nous faut transformer la solidarité individuelle et ponctuelle en solidarité communautaire. C’est le grand défi d’aujourd’hui pour les activités sociales paroissiales. Trop souvent, nous avons comme prêtre (curé) réduit la paroisse à un lieu, un club familial, à un temps ponctuel où prédomine la solidarité du « tsunami », de la « collecte urgente » du problème immédiat. Il me semble, Il nous faut changer de perspective et découvrir que ce don (la paroisse) est une provocation que nous devons approfondir ; en avançant vers la découverte que l’important n’est pas seulement de pallier les effets des catastrophes, mais de rendre les gens moins vulnérables et de les aider non seulement à survivre aujourd’hui, mais aussi à se donner des conditions stables de survie. D’où la nécessité d’être attentif à certaines médiations, afin que le don de la solidarité ne soit pas comme une étoile filante. Par exemple : -la formation dont nous avons tant besoin aujourd’hui dans nos paroisses- l’analyse et la réflexion qui donnent un sens plus vaste à ce que nous faisons. Ou encore, -s’engager dans un projet de grande portée, tant dans le temps que dans l’espace.
Mettre l’accent sur le dialogue et le protagoniste laïque, loin de tout dirigisme et cléricalisme
Aujourd’hui, l’Eglise est éminemment « cléricale » pour ne pas dire « épiscopale ». La spiritualité du Verbe incarné veut que les laïcs dans nos paroisses deviennent des protagonistes. Comme prêtre (curé), nous avons le devoir d’aider tous les fidèles à prendre conscience de leur sacerdoce universel au service de la communauté et de l’Eglise, et de leur mission à l’égard du monde. Pas instrumentalisé les fidèles laïcs. Cet objectif ne sera pas atteint sans un changement préalable de mentalité du clergé et, dans une certaine mesure aussi, des religieux et des religieuses. Nous devons renoncer à la mauvaise habitude de vouloir commander et diriger dans tous les domaines. Rendons la paroisse aux laïcs.
Savoir articuler communauté et liturgie
Tous, laïcs et prêtres, nous avons quelque chose à dire et tous, nous avons beaucoup à apprendre. Comme toutes nos œuvres, nos paroisses doivent devenir des sacrements, des lieux où nous devrons, non seulement tirer profit de nos intérêts personnels et égoïstes, mais des lieux où nous rencontrons la grâce de Dieu mise à la disposition du monde, des lieux où nous sommes invités à entrer dans la vie des gens et dans celle de notre planète. Notre paroisse doit être un sacrement, un cadeau de la grâce de Dieu, qui me donne personnellement le privilège de partager la foi et la confiance d’une jeune femme et de son mari de 35 ans qui perdaient leur bataille contre une tumeur cérébrale ; privilège de connaitre une mère seule qui vient à pied à la paroisse le dimanche dans un village de Bombawili( RDC-Gemena) apporter son aumône parce qu’elle est interpellée par la parole de Dieu; le privilège d’être témoin de la détermination d’une famille de réfugiés à l’Est de notre pays qui se battent pour apprendre à se libérer non seulement de l’aide humanitaire, mais d’un monde paternaliste ; le privilège d’accompagner les personnes âgées qui renoncent progressivement à leur liberté et à leur vie pour se tourner vers Dieu avec une grâce méritée.
Le père Boniface Mwawatadi est prêtre missionnaire de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie. Il fut Vicaire des Paroisses Notre Dame de Fatima(Kinshasa) et de Kristo Mokonzi de Bokuda Moke dans le Sud-Ubangi(Gemena).
Jean-Pierre kanyiki