You are currently viewing RDC : 65 ans après l’indépendance, le Professeur Alexandre Nshue dénonce un manque de sérieux et appelle à une rupture économique

RDC : 65 ans après l’indépendance, le Professeur Alexandre Nshue dénonce un manque de sérieux et appelle à une rupture économique

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:ACTUALITÉ

À l’occasion de la 65ème célébration de l’indépendance de la République Démocratique du Congo, le Professeur David Alexandre Nshue a dressé un tableau sans concession de la situation économique et de la gouvernance du pays au cours d’un entretien accordé à notre rédaction ce 30 juin 2025. Son analyse met en lumière des défis profonds et appelle à une « rupture » radicale pour inverser les tendances du sous-développement.

 

Selon le Professeur Nshue, une évaluation mensuelle de l’exécution financière et physique des projets et activités est impérative pour une plus grande efficacité étatique. Il a dénoncé des pratiques de gaspillage scandaleuses : « On paye des frais de mission à des gens qui ne voyagent pas, supporte les soins de santé des gens non-malades, finance des projets non-exécutés. »

 

Indépendance économique illusoire

Les chiffres avancés par le Professeur Nshue sont éloquents. En 65 ans, la RDC n’a pas réussi à concrétiser son indépendance économique. Le PIB courant est passé de 3,36 milliards de dollars en 1960 à 73,2 milliards de dollars en 2024. Cependant, le PIB aux prix de 2015 n’a progressé que de 19,1 milliards à 59,3 milliards de dollars sur la même période, tandis que le PIB par habitant réel a chuté drastiquement de 1255 à 550 dollars. Ces données révèlent une forte inflation, une dépréciation monétaire significative et une pauvreté généralisée, touchant aujourd’hui 72% de la population.

Le secteur agricole, jadis pilier de l’économie, a connu un déclin alarmant. Représentant 59% du PIB en 1970-80 pour 25 millions d’habitants, il n’en constitue plus que 14% en 2024 pour une population de 109 millions. Conséquence directe, la consommation calorique quotidienne par Congolais est passée de 2700 kcal à 1836 kcal, bien en dessous du minimum vital de 2300 kcal. Malgré l’importation de 2 millions de dollars d’aliments, 40% de la population souffre de la faim.

La désindustrialisation est un autre point noir du bilan. Des 9600 entreprises industrielles des années 1960, il n’en restait que 527 en 2019, soit une destruction de 95%, en partie due à la zaïrianisation et aux pillages de 1991 et 1993. En 2024, l’industrie manufacturière ne représente que 16% du PIB, avec une création d’emplois très limitée.

Le Professeur Nshue déplore l’incapacité du pays à sortir de son modèle d’économie de rente, où plus de 50% du PIB provient du secteur primaire. La part des mines dans le PIB a certes augmenté, mais avec une faible création de valeur ajoutée locale.

 

Causes profondes de l’échec

« Nos 65 ans d’indépendance sont désolants, on n’a pas été sérieux, » a martelé le Professeur Nshue, pointant du doigt des comportements néfastes tels que « le vol, le gain facile, l’ambiance, l’ignorance, l’orgueil, la paresse… » Il a identifié plusieurs facteurs clés à l’origine de cet échec : Absence de vision et d’ambitions de développement claires et planifiées.
– Manque d’engagement ferme pour la bonne gouvernance.
– Institutions faibles, peu dévouées et inefficaces.
– ⁠Justice défaillante.
– ⁠Absence de patriotisme, de système politique adapté et de sens de l’État.

 

Appel à la rupture et aux réformes

Le Professeur Nshue a insisté sur l’urgence d’une rupture, d’une volonté de « faire autrement, mieux et même violemment pour prendre la bonne voie. » Il a appelé à « attaquer les vrais problèmes » par amour pour le pays.

Pour atteindre l’indépendance économique, la RDC doit cesser de dépendre des programmes des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et mobiliser suffisamment de revenus pour financer son propre développement. « Pourquoi nous ne faisons pas nous-mêmes les réformes, on attend toujours le diktat du FMI ou de la Banque Mondiale ? Notre destin est dans nos mains ! » a-t-il déclaré.

L’indépendance économique passera également par la production locale de plus de 60% de ce qui est consommé quotidiennement, en commençant par les produits alimentaires et les biens meubles, via une politique d’import-substitution.

Le Professeur Nshue a souligné que la réussite du gouvernement est l’affaire de tous. « Tout citoyen qui aime la RDC doit vouloir la réussite du gouvernement. Ceux qui décident doivent opérer de bons choix. Les ministres doivent agir pour son succès. L’opposition doit proposer des alternatives constructives. Le peuple doit appuyer les bonnes idées et rejeter les mauvaises. »

Il a proposé plusieurs pistes de réformes pour améliorer l’efficacité gouvernementale :
– Adopter une vision claire et cohérente de la Nouvelle RDC, votée par le Parlement pour engager le peuple.
– ⁠Figer la taille et la structure du gouvernement dans la Constitution pour assurer la continuité des politiques.
– ⁠Fixer des objectifs globaux et sectoriels pour les ministres et les soumettre à des contrats de performance avec un score minimal de 60%.
– ⁠Organiser le gouvernement en deux commissions, coordonnées par des Vice-Premiers Ministres, avec des évaluations trimestrielles.
– ⁠Renforcer le contrôle parlementaire en utilisant mieux les assistants pour des analyses situationnelles.
– ⁠Imposer à toutes les administrations, entreprises et services publics la production régulière de rapports sectoriels et d’activités pour améliorer la gouvernance et la transparence.

Le Professeur Nshue a conclu son intervention par un vibrant appel à la prise de conscience collective : « Je nous sensibilise tous à aimer la RDC et agir de manière à faire réussir le Gouvernement pour notre bonheur commun. Ceci demande que chacun repense sa façon de voir et de faire pour ne pas être un frein mais un levier de progrès. » Ce 65ème anniversaire doit marquer le début d’une nouvelle ère pour la RDC, celle de la paix restaurée, de la gouvernance améliorée, de l’économie transformée et du progrès socio-humain bâti.

Guyvanant Misenge