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RDC-Rwanda : malgré l’accord de paix, la question des FDLR continue d’empoisonner les relations

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Trois jours après la signature à Washington d’un accord de paix entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, la controverse sur les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) continue d’attiser les tensions entre les deux voisins. Malgré les engagements pris le 27 juin pour une désescalade, les interprétations divergent profondément, notamment sur le rôle des FDLR et la portée du désengagement militaire.

 

Dans une interview accordée à Jeune Afrique, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a tenu à clarifier la lecture que Kigali fait de l’accord de Washington. Pour lui, le « désengagement » prévu ne concerne en rien les forces rwandaises, mais uniquement les groupes armés non étatiques. « Le terme ‘désengagement’ se réfère exclusivement aux groupes armés non étatiques », a-t-il précisé.

Selon lui, le retrait des troupes rwandaises reste conditionné à la neutralisation des FDLR, qu’il accuse d’être soutenus, voire intégrés dans l’armée congolaise : « Les FDLR sont des forces soutenues par le gouvernement congolais, intégrées dans les FARDC. Même les rapports des Nations unies le disent », a-t-il martelé.

Quant à la localisation de ces combattants, Nduhungirehe a nié leur présence dans les zones contrôlées par le M23, estimant que « les FDLR collaborent avec les FARDC », ce qui, selon lui, rendrait incohérente l’idée d’une présence dans les territoires tenus par le mouvement rebelle.

La réaction ne s’est pas fait attendre du côté de Kinshasa. Le ministre congolais Julien Paluku, ancien gouverneur du Nord-Kivu, a répondu via une série de messages incisifs sur X (anciennement Twitter), accusant le Rwanda de manipuler la question des FDLR depuis des décennies pour justifier ses incursions.

« C’est la rhétorique depuis 30 ans qui a aveuglé le monde », a-t-il dénoncé, rappelant que Kigali a occupé l’Est congolais à deux reprises : de 1998 à 2003 et de 2022 à 2025, soit huit ans au total. « Pendant ces 8 ans, n’ont-ils pas toujours trouvé leurs FDLR ? », s’est-il interrogé avec ironie.

Selon lui, les rapports des experts onusiens montrent aujourd’hui que les FDLR ne représentent plus qu’un millier de combattants, dont une grande partie aurait été recyclée par Kigali lui-même. Il dénonce par ailleurs une stratégie de désinformation savamment entretenue par le Rwanda : « Déconstruire un mensonge inoculé comme du venin depuis 30 ans est un travail de longue haleine. »

Face à ces accusations, Olivier Nduhungirehe a répliqué sèchement sur les réseaux sociaux. Reprenant les propos de Julien Paluku sur le prétendu « mensonge » autour des FDLR, il a rappelé que Kinshasa avait lui-même reconnu leur existence en s’engageant à trois reprises à leur neutralisation : à Luanda les 31 octobre et 25 novembre 2024, puis à Washington le 27 juin 2025.

« Si les génocidaires FDLR ne sont qu’un “mensonge”, j’imagine que c’est la raison pour laquelle le gouvernement auquel il appartient s’est formellement engagé […] à les neutraliser ! », a-t-il écrit, concluant par une pique cinglante : « Logique élémentaire ! »

Au-delà des mots, cette passe d’armes illustre le fossé persistant entre Kinshasa et Kigali. Tandis que l’accord de Washington devait marquer un tournant vers l’apaisement, les divergences d’interprétation sur la question des FDLR risquent de compromettre sa mise en œuvre effective.

La méfiance reste entière, et la capacité des deux États à traduire sur le terrain leurs engagements mutuels demeure à prouver. Dans ce contexte tendu, toute maladresse ou provocations verbales pourrait raviver les braises d’un conflit qui a déjà coûté trop cher aux populations de l’Est congolais.

 

Gracieux Bazege